Audiovisuel & Ecritures

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L'imbu boira la tasse extrait

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Gilles Legrand, comme son nom l’indique, est un homme grand, brun qui, à quarante-quatre ans, est en pleine forme et en possession de tous ses moyens. Le sourire du vainqueur toujours aux lèvres, le regard vif, la chevelure brune toujours soignée, il est un charmeur né, même s’il use d’artifices parfois lourds pour atteindre son but. Il ne s’en prive pas pour faire tomber dans ses bras de jeunes femmes ou mettre dans sa poche des personnes pouvant faciliter sa carrière d’homme des médias et pourquoi pas, dans un futur pas encore fixé, d’homme politique. Pour l’instant, il œuvre dans la région lyonnaise sur tous les médias locaux.

 

De façon organisée et méthodique, il agençait son emploi du temps pour exploiter toutes les tribunes qu’on lui offrait pour s’exprimer et se placer dans le monde des privilégiés de cette région. Le matin, il animait une tranche d’informations sur la plus importante radio locale, une succursale de Radio France, et son 8 à 10 heures était très écouté. Une fois terminée sa session matinale, il s’attelait à écrire un billet d’humeur pour le journal «Le progrès», à paraître le lendemain. Le reste de la journée, il le passait à dénicher des infos pour alimenter ses interventions journalistiques et préparer son passage sur la télévision locale influente : TLM (Télé Lyon Métropole) vers les 19 heures.

 

Sa journée terminée, il se rendait dans les salons où les privilégiés locaux se retrouvaient pour officiellement envisager l’avenir et le développement de la ville, alors qu’ils tissaient des liens avec les notables lyonnais pour améliorer leur situation tout autant professionnelle que personnelle. Paraître important aux yeux des autres est devenu de nos jours un sport national et peu importe ce que chacun trimballe comme tares, complexes et défauts. Parfois, bon prince, il venait accompagné de sa femme, Jacqueline qui, malgré ses réticences à s’afficher devant ce monde qu’elle détestait, faisait bonne figure.

 

Ce soir, il avait délaissé sa femme pour se rendre, entre hommes, au Groupama Stadium, et assister au match de football qui opposait l’Olympique Lyonnais à l’AS Saint-Etienne, le derby explosif de la saison. L’intensité du match tint en haleine tout le public. Même les notables, qui se trouvaient dans la loge présidentielle, vécurent la rencontre passionnément, alors qu’ils ne connaissaient rien au foot et encore moins sur la plupart des joueurs composant l’équipe Lyonnaise. Dans ce genre de réunions, Gilles côtoyait autant le maire que le chef d’entreprise de la sidérurgie du secteur ou encore le chirurgien à la mode qui assurait un physique agréable à nombre de personnes très aisées. Gilles se sentait bien dans cet univers-là, avec ces gens qu’il savait flatter pour en tirer ce qu’il souhaitait. Tant et si bien qu’il aimait rallonger ces réunions en les continuant, en petits comités, dans des bouchons lyonnais ou bien encore au Jazz Club Lyon Saint Georges. Un endroit sympathique qui offrait, au premier étage, les services d’un bar classique et, au sous-sol, des mini concerts de jazz où des musiciens locaux, sur une mini scène, s’ingéniaient à donner du plaisir aux amateurs de cette musique cool. Des notes réjouissantes et une bière fraiche à dégus-ter, en toute décontraction, était tout ce qu’appréciait Gilles, pour retrouver un peu de sérénité. Mais en errant dans ce lieu, il oubliait souvent l’heure et rentrait assez tard à son domicile. Ce soir, il ne changea pas sa mauvaise habitude.

 

Vers deux heures du matin, il regagna enfin sa maison et se retrouva face à sa femme, Jacqueline. Elle en avait marre des attitudes, du comportement de son mari. Il ne pensait qu’à se faire bien voir par les puissants de la ville pour bénéficier de leurs pouvoirs, de leur impact sur la région pour mieux asseoir sa position de journaliste inévitable de la vie médiatique du secteur et pourquoi pas, bientôt, de toute la France. En fait, elle le soupçonnait fortement de profiter de ces soirées de «faire valoir» pour mieux la tromper. Ses soupçons la rendaient hystérique et la poussaient, à chacune de ces sorties, à demander des comptes à son mari :

 

— D’où viens-tu ? Encore de chez ta pute ?

Oh, arrête, s’il te plaît ! Tu sais très bien où j’étais. Tu n’as qu’à demander à Julien !

— Ben voyons ! Ton complice, ton alibi perpétuel ! C’est facile !

— Tu m’énerves ! J’en ai marre, je suis fatigué et je vais me coucher.

C’est ça, fuis tes responsabilités !

 

Gilles laissa sa femme, plantée là, près de l’entrée de leur salon. Elle était songeuse et ne savait plus comment réagir, face aux tristes comportements volages de son mari.

 

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25/11/2021
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