la triste vie d'un super héros déchu
Il était une fois un journaliste du nom de Ken Clark qui œuvrait au Daily Planet. Dénigré par son patron, ridiculisé par ses collègues de travail, Ken avait l’habitude d’encaisser toutes ces humiliations, car il avait un secret. Né sur une planète inconnue nommée Krypton, il avait hérité de celle-ci des dons surnaturels qu’il avait su, avec l’âge et l’aide de ses parents adoptifs terriens, maîtriser et utiliser à bon escient pour défendre ce monde d’êtres humains qui l’avait adopté.
En un tour sur lui-même, il devenait un être surnaturel prêt à défendre la veuve et l’orphelin de Métropolis contre les forces du mal. Ses apparitions et ses actes héroïques avaient poussé les terriens à le surnommer : « Superman ». Même si sa tenue semblait ridicule, une combinaison bleue agrémentée d’un S rouge sur fond jaune parachevée par un slip aussi rouge que mal seyant et d’une cape aussi rouge que le sang des ses ennemis, Superman était apprécié par la population. Mais tout changea un jour de mai orageux.
Il se lançait à la poursuite de braqueurs de banque, en survolant les artères de la ville, quand la foudre s’abattit sur lui. Frappé en plein vol, il perdit tous ses pouvoirs et s’écrasa comme une merde de pigeon sur le macadam. Les passants se rapprochèrent de lui et un homme, avec son portable, appela les urgences. Avec célérité l’ambulance l’amena au Métropolis Hôpital Mémorial. Il fut pris en charge par tout un staff de médecins spécialistes et il passa plus de vingt heures dans une salle d’opération.
Après une longue période de remise en forme, il retrouva son chez lui, mais une drôle d’impression s’empara de lui. La première chose qu’il constata était qu’il ne pouvait plus se débarrasser de sa tenue de super héros. Elle lui collait à la peau comme une seconde couche naturelle, malgré tous ses efforts il ne put s’en dégager. Devant son impuissance, il dut se rendre à l’évidence, il avait perdu ses pouvoirs.
Alors depuis, Ken vécut comme un simple quidam. Il perdit son poste au Daily Planet, car on ne pouvait pas décemment laisser se promener dans les locaux un individu en costume de Carnaval. Dans le métro, qu’il prenait pour la première fois, il se sentit ridiculisé par les rires des usagers, mais surtout par les moqueries de gamins insolents. Dans son immeuble tous les résidents le considérèrent comme un doux dingue qu’il fallait chasser de cet ensemble locatif. Brimé, ridiculisé, stigmatisé, considéré comme un original dangereux, il décida de fuir la ville.
Il trouva, dans une banlieue éloignée de la ville à la réputation peu honorable, une masure délabrée. Si ses pouvoirs avaient disparu, son intellect resta le même. Avec plus de temps qu’il en aurait fallu quand il était encore Superman, il mit de l’ordre dans la maison, la rendit saine puis opérationnelle, dotée des dernières trouvailles de la domotique. Il créa sur YouTube sa propre chaîne et diffusa ainsi des vidéos qui eurent beaucoup d’audience et lui permirent d’obtenir quelques revenus pour survivre. Mais malgré tout le quotidien le pesait.
Faire ses courses à la supérette était devenu un supplice ; prendre un bain sans se débarrasser de son habit de super héros, une humiliation ; prendre l’air dans un parc public, un vrai calvaire. Alors de plus en plus souvent, il restait cloîtré dans sa maisonnette, se gavait d’aliments divers devant la télévision, filmer très tôt le matin et en cachette la vie de ses contemporains sans pouvoir communiquer avec eux. Dans la journée, à chaque retentissement d’une sirène de police, il se mettait à pleurer. Dégoûté, démotivé, désespéré, il n’avait plus qu’un seul espoir : que Dame nature le libère de cette situation invivable. C’est pour cela que dès qu’il pleuvait fortement, on le voyait se promener dans les parcs dans l’espoir d’un deuxième choc réparateur. L’espoir, une autre façon de vivre, mais cela est une autre histoire.