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Lettre à l’auteur de mes satanés jours

Lettre à l’auteur de mes satanés jours

 

« Cher vous,

 

« Je n'ai pas l'habitude de me plaindre, mais là je viens de me découvrir dans un miroir et je dois vous avouer que vous ne m'avez pas raté ! Déjà me faire naître avec quarante-cinq ans dans la vue, sans autres ambages, c'est assez attristant. Et puis, ce physique dont vous m'avez affublé : petit, brun, bien que chauve, et rond, pour ne pas dire obèse avec plus de poitrine qu'une jeune nymphe au pied léger. Sans parler de ce léger strabisme, que des personnes délicates osent qualifier de légère coquetterie, il est carrément insupportable. Ce n'est plus un physique, c'est un handicap. Mais tout cela ne serait rien si ...

 

« Parlons de ma situation, plus exactement de ma situation socioprofessionnelle, comme les technocrates impudents l'intitulent, elle est plus que misérable.

1 : Je n'ai pas de fortune

2 : J'ai hérité d'un QI digne d'une huître, tant et si bien que, sans réfléchir (pléonasme), je me suis marié, paraît-il à 18 ans, avec une jeune fille, mignonne à l'époque, qui s'est transformée en un cétacé soufflant et voguant dans les mers du Sud. Elle m'a fourni, je ne vois pas d'autres termes, trois mioches, trois tares devrais-je dire, que je déposerais volontiers soit dans une consigne de gare, si les plans successifs de Vigipirate ne les avaient pas supprimées, soit dans un orphelinat, car ils ne méritent pas d'avoir un père et encore moins un paternel comme moi. Avec ce QI de gamin attardé, je n'ai pu dégoter qu'un minable boulot de vérificateur de bouteilles vides, avec un salaire d'indigent ne me permettant de vivre que dans une Habitation à Loyer Modéré ou plus exactement dans une Harasse à Locataires Mélangés.

 

« Alors, il est évident que des idées noires viennent hanter mon esprit débile, que celles-ci risquent de se transformer, si vous n'agissez pas au plus vite, en des envies de meurtres que je ne pourrais contrôler. Car de jours en jours, de misères en misères, il n’y a qu’une chose qui pourrait me donner encore l’envie de vivre : c’est tuer. Tuer ma femme, de plus en plus encombrante. Noyer mes enfants, comme on le ferait avec une portée de chats. Assassiner mes débiles collègues de travail et empoisonner mon misérable patron.

 

« Alors, cher maître, cher créateur, cher auteur de mes jours, je vous prie de me sortir de ce guêpier, avant que je ne provoque l'irréparable. A vous lire bientôt.

« Votre personnage répugnant de votre troisième roman. »

 

Je ne sais comment cette lettre est arrivée sur mon bureau, le hasard, le destin, peut-être ? En tout cas, il m’a ainsi permis d’écrire mon premier best-seller : une histoire de serial killer, un serial killer un peu débile et très désespéré.

 



25/11/2014
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