Audiovisuel & Ecritures

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Persécution.

Il fallait que tout cela s’arrête, elle me rendait complètement folle. Son pas trottait dans ma tête comme une aliénation incontrôlable. Rapide, saccadé, mais régulier dans sa fréquence, son pas me hantait. Il fallait que je mette un terme à cette provocation. Il fallait que, radicalement, j’élimine cette narquoise emmerdeuse. Mais j’avais un handicap incontestable : elle était plus rapide que moi.

Ses longues jambes parcouraient une incroyable distance tandis que mes petits membres arrivaient à faire péniblement un petit pas, pas aussi important que celui de Neil Armstrong, mais capital pour tout le monde. Je m’essoufflais rapidement alors qu’elle continuait son chemin, sans émettre un moindre souffle de fatigue. Elle m’énervait, me harcelait, me persécutait. Pour prendre du recul, je m’accordais de longues poses pour réfléchir
à la façon de résoudre cette irritante situation. Sans relâche, elle profitait de ces instants pour intensifier son acharnement, pour tourner autour de moi et me narguer honteusement.

C’est décidé, je vais la tuer. Quand elle passera près de moi, je lui enfoncerai ma griffe la plus acérée en plein cœur. Je choisirai l’heure idéale et je commettrai ce crime odieux mais libératoire. Là, maintenant, c’est le moment ! Non, il y a trop de témoins qui me fixent. Il est trop tôt, on est encore en plein jour. Il ne faut pas que je me fasse prendre pour des détails aussi futiles. Patience, j’ai tout mon temps. Je t’aurai ! Amuse-toi, énerve-moi, clopine autour de moi, claudique avec plaisir, ton heure arrivera et je triompherai enfin, seule et libérée de ton emprise !

La clarté diurne s’estompe enfin, le grand hall se vide progressivement, je vais enfin pouvoir agir. Approche sale bête, approche, encore quelques secondes et je t’aurai. Tiens, voilà pour toi ! Tu ne m’embêteras plus jamais, tu ne tourneras plus autour de moi, je vais enfin être libérée de toi, je ne vais plus avoir en tête ton pas saccadé et exaspérant. Il était temps que tu meurs, empoisonneuse ! C’est ça, tombe ! Dégage de là ! Libère mon espace vital, tu l’as assez pollué comme ça ! Enfin seule ! Free at last, cher Martin ?

Communiqué de Presse.

«Incident gravissime à la Gare du Nord. Dans le hall de cette grande gare parisienne, la grande aiguille de la grande horloge s’est détachée du cadran et est venue malencontreusement se planter sur la tête d’un planton de service qui faisait sa ronde. Le malheureux en a été quitte pour une visite à l’hôpital. Quant à la grande aiguille, elle a rendu son âme au temps pour la dernière fois, à une heure criminelle comme il se doit : il était exactement minuit, signe du destin, cher docteur !»

Depuis cette triste nuit, les trains, ayant perdu leur repère, ne partirent plus à l’heure ou plus exactement ne partirent plus qu’à l’heure.



27/04/2011
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